La qualité de la relation entre le client et le consultant constitue, on le sait, une variable déterminante pour la réussite d’une intervention. Mais la nature de cette relation est souvent associée aux formes d’interventions qui génèrent des modes de coopération assez différenciés, mais qui peuvent se recouvrir partiellement. On peut ainsi élaborer une typologie simplifiée de quatre formes de coopérations : le mode expertise, le mode donneur d’ordre, le mode process/produit et enfin le mode projet.

Ces différentes formes renvoient souvent en réalité à trois familles de postures. Les trois premières sont plutôt asymétriques, (et pas toujours saines), d’un point de vue de la relation entre le client et le consultant. La dernière tend à toutefois faire exception et parait à ce titre prometteuse : le client et le consultant co-produisent dans le cadre d’une dynamique de relation à la fois plus réflexive plus équilibrée. Nous allons les décrire successivement, en développant plus particulièrement la dernière à travers pratique de co-production.

Le mode expert et le mode process/produit :Le client est souvent en position de dominé.
Ces deux formes de coopération possèdent un pointcommun, elles s’inscrivent dans une logique « propriétaire ».
L’expert, en tant qu’autorité de compétence, devient d’une certaine manière en effet « propriétaire » du problème, par nature complexe, qu’il doit résoudre et dont il s’approprie. Il analyse et produit souvent seul. Sa domination potentielle réside notamment en ce qu’il maitrise une incertitude pertinente et que le client apparaît en état d’infériorité en ce qu’il ne dispose pas – a priori – précisément totalement ou même partiellement, de l’expertise sollicitée. Cette posture confère a priori, un positionnement souvent asymétrique et dominante vis à vis du client, à l’image traditionnelle et référente des professions médicales vis-à-vis des patients.
Le prestataire de service (qui peut avoir le statut de consultant) chargé d’implanter un process ou de mobiliser une méthodologie standardisée est également d’une certaine manière potentiellement propriétaire de ces types de dispositifs, dans la mesure où il en en maitrise l’instrumentation (exemple : outils techniques ou méthodologiques structurants, comme un dispositif d’évaluation des postes de cadres en vue d’établir une grille de rémunération). Dans ce cas, il peut même arriver que le prestataire agisse quasiment par procuration du client ou de son représentant, en se rendant indispensable pour assurer l’implantation du produit au sein de l’entreprise.
Toutefois, ces deux formes de coopération possèdent une différence notable : l’expert travaille principalement avec « son cerveau » en mobilisant des compétences approfondies, en vue d’explorer et de résoudre une problématique complexe. Le prestataire de service se situe dans une logique de mise en œuvre, qui s’appuie principalement sur un dispositif structuré.

Le mode « donneur d’ordre » : le client est le plus souvent en position dominante. Dans ce mode de relation, la domination du client s’explique en ce qu’il est, pour le coup, propriétaire de la demande, qui repose généralement sur un cahier des charges fonctionnel, précis et contraignant, au sein duquel la marge de manœuvre du prestataire est souvent restreinte et limitée.

Le mode management projet dans le pilotage d’une action ou la résolution d’un problème : le client et le consultant en posture de co-production dans le cadre d’une dynamique de relation plus équilibrée, mais plus exigeante et réflexive.
La co-production s’applique plus spécifiquement, au mode de management de projet. Elle se caractérise par une relation de service plus dense, mobilisant ainsi une dimension cognitive et relationnelle, dense et partagée entre le client et le consultant. On peut le caractériser à travers un certain nombre de traits

Il s’agit d’abord d’une relation de service poussée débouchant sur une dynamique plus équilibrée entre les acteurs tout au long de la conduite d’une mission, en vue d’aboutir aux résultats souhaités. La dynamique de la relation est plus équilibrée, en ce que chacun de ces deux acteurs participent directement à la co-conduite de la démarche du projet et/ou à la co-résolution du problème. Il s’agit en somme de tendre à « faire ensemble », forme aboutie de la co-production. Cette posture exigeante souligne clairement que consultants et clients sont nécessairement très interdépendants, dans la conduite de la mission, en combinant les apports de l’un et de l’autre. Cette densification des relations de services, conduit souvent naturellement à des relations de proximité nécessairement plus personnalisées et des relations de confiance partagées, reposant souvent (mais pas toujours), des pratiques de relations de travail antérieures.

C’est également une relation de service étendue et approfondie au carrefour combiné de savoirs et d’actions. Cette co-production est qualifiée d’étendue en ce qu’elle se décline souvent de l’amont (définition des objectifs, mobilisation des ressources, etc.), vers l’aval, (mise en œuvre, mais aussi évaluation, nécessairement partagée pour partie avec les acteurs). Elle s’inscrit aussi dans une perspective de démarche collaborative approfondie, reposant sur une double logique combinée : mise en commun, partage et de co-création de savoirs de différentes natures (savoirs conceptuels, savoirs pratiques et expérientiels) et pilotage et réalisation d’action notamment dans le cadre de la mise en œuvre du projet. Ce type de coopération génère souvent une responsabilité, voir une prise de risque de risque partagée dans la conduite de l’intervention. Poussée à son terme, peut ainsi aboutir à une forme de co-création de valeur, conjointement avec le client, en particulier lorsque la prestation est complexe. Comme on le voit, ce mode de coopération repose sur un équilibre subtil, susceptible de créer une dynamique stimulante.

C’est enfin une relation conduisant logiquement à une professionnalisation partagée et combinée des acteurs (clients et consultants) On conçoit volontiers que la co-production poussée, étendue et approfondie reposant notamment sur un mode itératif et combinatoire alternant des phases réflexives et de phases d’actions, génère, dans un mode à la fois distancié, critique et constructif, un co-apprentissage combinée et cumulatif, et un enrichissement permanant, tant conceptuel qu’empirique. Ils portent notamment sur la pertinence du dispositif méthodologique mobilisé, la capacité à débattre et à partager un diagnostic étayé, etc. Toutefois, le consultant professionnel dans cette démarche de co-production, exigeante et réflexive doit conserver subtilement, notamment dans ses moments clé, la maitrise du dispositif général de l’intervention, qui est au cœur de la production de la valeur ajoutée. C’est bien ce qui en constitue sa « marque de fabrique », sa « signature ».