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Jean-Pierre Bouchez - La défaite du savoir managérial

Nous devons humblement avouer qu’en tant que chercheur en sciences de gestion, consultant et ancien praticien Vice Président Ressources Humaines de grands groupes, nous sommes pour le moins troublés par la manière dont se produit, se diffuse et s’applique le savoir managérial notamment dans cette dernière période.

Du coté du champ académique.

Ainsi, du coté du champ académique, et sans vouloir loin de là généraliser, il nous est arrivé d’assister à des cours de master de certains de nos collègues, enseignant des disciplines fort utiles sur le plan professionnel devant des étudiants en alternance, dont certains restaient perplexes, tant la réalité qu’ils observaient était éloignée des pratiques déployées au sein de leurs entreprises d’accueil. Les apports sur lesquels étaient fondés cet enseignement restant par ailleurs largement théoriques et souvent dépassés. Il est vrai, l’Université n’a jamais incité ses chercheurs à fréquenter l’entreprise et encore moins à y faire des interventions... à l’exception d’observations dites de « terrain », le plus souvent sous forme d’entretiens (donc en dehors de la vie réelle et fréquemment contraignante), pour alimenter une production académique…. souvent illisible pour les praticiens et diffusée confidentiellement. Ce dernier aspect bien connu – et nous le pratiquons comme nos collègues, enseignants-chercheurs – est incontournable en terme de carrière. On se situe dans le registre de la reconnaissance symbolique octroyée par leur communauté d’appartenance sur la base de critères académiques. Il serait pourtant pour le moins opportun d’en vérifier complémentairement le caractère réellement éclairant pour un dirigeant ou un manager, en vue de nourrir sa réflexion et son action. Les confrontations expérientielles issue de pratiques de consultance, comme le font certains chercheurs constituent un exercice assurément pertinent et accessoirement rémunérateur… Plus généralement et, il serait fort utile de travailler sur le nécessaire renouvellement, dans un cadre pluridisciplinaire, de la réflexion sur l’entreprise. Cela permettrait aux chercheurs qui en ont du moins l’appétence, de contribuer à générer une accélération de la maturation critique et constructive de ceux qui deviendront probablement, pour une majorité des managers.

Du coté des dirigeants et des managers

Précisément du côté des dirigeants et des managers et de leurs équipes, la réalité quotidienne en entreprise est aujourd’hui bien cernée par les acteurs et observateurs attentifs de ce monde. La combinaison de la crise, sur fond de financiarisation très poussée associée à une concurrence mondiale exacerbée, contribue à générer un usage souvent abusif des processus, de type néo-tayloriens, ainsi que de la profusion d’outils de reporting et de contrôle, qui semblent avoir atteint parfois leur limites. En effet, l’usage excessif de ces dispositifs génère des effets contre productifs inducteurs de coûts cachés conséquents bien connus : baisse de la productivité, accroissement du stress et du désengagement, etc. Par ailleurs, il faut convenir que l’abus de cette « gouvernance processurale » conduit à transformer les managers en simples gestionnaires abstraits de sorte que le « travail réel » s’assimile à une représentation purement instrumentale du travail. Ces deux effets combinés, et singulièrement le dernier, contribuent incontestablement à affaiblir la réflexion et l’analyse intellectuelle des dirigeants et des managers, pourtant tellement indispensable dans notre monde du business, si complexe, incertain et même violent.
Mais certains des consultants et experts qui conçoivent ou commer-cialisent ces dispositifs instrumentaux, échappant à leurs acteurs usagés obligés, que sont nombre de ces managers, en n’hésitant pas, pour le coup, à opérer un détournement caricatural de leur finalité… Citons ainsi le cas du lean management (management allégé), par ailleurs tant décrié. Rappelons que sur les quatorze principes énoncés par cette méthode, l’un des plus importants (le treizième), totalement occulté par les consultants, énonce que les décisions doivent être prises lentement et par consensus (comme le font les opérateurs de Toyota au Japon et non leurs contremaitres). Cet oubli fâcheux a généré à lui seul, quelques dégâts dans les entreprises….

Pour une réhabilitation du savoir managérial.

La combinaison de ces deux « mondes », le monde académique et celui fondé sur business, conduit en l’état actuel, à une forme de régression managérial. Pourtant, l’éclairage de notre propre posture hybride (chercheur et consultant), à l’épreuve de nos contacts, notamment avec des dirigeants et des managers, confirme clairement notre conviction que nombre de ces acteurs, ont aussi profondément besoin d’entendre et d’échanger des observations, des analyses et des recommandations fondées sur des convictions singulières, étayées, charpentées, voire incommensurables, décalées et iconoclastes, bien loin des ces dispositifs processuraux et de contrôle, certes nécessaires, à condition qu’ils soient mobilisés avec mesure. Cet espace intellectuel délibératif prometteur est précisément à conquérir par des professionnels avertis, combinant l’exigence de la réflexion du chercheur en s’appuyant sur des travaux académiques pertinents (qu’ils ont le cas échant produits), tout en étant suffisamment familiarisés et aguerris avec la réalité complexe et pragmatique du terrain, constituée par l’entreprise. C’est à ce prix, qu’ils contribueront à réhabiliter le savoir managérial en construisant de nouveaux savoirs et de nouvelles pratiques en marge de modes et des modèles dominants. Puisse la culture professionnelle et académique faciliter l’éclosion et le déploiement de tels profils atypiques et réflexifs…