Le conseil en management dans tous ses états, c’est tout simplement le titre de mon dernier ouvrage, qui sera disponible aux alentours du 20 mai prochain, mais déja précommendable sur amazon.fr. Cet ouvrage est le fruit d’activités plurielles et diversifiées, à travers plusieurs entrées dans ce métier, mais aussi et surtout de fortes convictions, que j’aimerais vous faire partager.
DES ENTREES MULTIPLES DANS CE METIER…
D’abord, en tant que DRH de grandes organisations, j’ai été conduit à utiliser et travailler avec des consultants. Puis, à mon tour, je me suis orienté vers la pratique du conseil en management en ayant eu l’opportunité de rejoindre des cabinets de conseil en management. Ce fut successivement le cas Bernard Brunhes Consultant, Altedia et actuellement, IDRH, où j’exerce avec un grand plaisir, les activités de Directeur Recherche et Innovation, tout en pratiquant toujours le conseil. Une autre entrée est liée à mes activités de chercheur et de professeur-associé à l’Université de Versailles Saint-Quentin, où j’élabore un master orienté sur le conseil en management. J’ai d’ailleurs auparavant, enseigné ce domaine au sein de nombreuses universités. Enfin, j’ai eu l’occasion d’écrie plusieurs ouvrages et articles, professionnels et académiques, consacrés aux travailleurs et organisations du savoir en univers marchand, dont la famille des consultants en constitue l’une des figures prototype (S’agissant des principaux ouvrages : Le Conseil, le livre du consultant et du client, avec Jean Simonet, Eyrolles, 2003, 2009 ; Les Nouveaux travailleurs du savoir, Editions d’Organisation, 2004 ; Manager les travailleurs du savoir, Editions Liaisons, 2006, Le management invisible, Vuibert, 2008).
DE MULTIPLES ETATS…
Le conseil en management dans tous ses « états »… A ce titre, l’ouvrage présentera et décrira les caractéristiques, les formes, les typologies du conseil en management. Il abordera le champ du commerce du conseil à travers ses spécificités - vendre une promesse virtuelle et immatérielle - mais aussi notamment les aspects tarifaires et les pratiques du marketing relationnel, et le tableau de bord commercial du cabinet. Il traitera de la question centrale de la création de valeur et de son déploiement à travers le processus d'intervention. Enfin, il présentera et analysera les aspects liés au positionnement stratégique, à l'organisation interne ainsi qu’à la GRH des consultants.
Mais l'ouvrage entend simultanément passer en revue tous les différents « états » du conseil en management à travers une facette complémentaire qui entend souligner les profondes mutations en cours et à l’œuvre du métier ce consultant, qui affectent l'ensemble de ses pratiques, tant en amont qu'en aval, ses .relations avec les clients, etc. Ces mutations qualitatives ne pourront que contribuer à déboucher sur une professionnalisation conjointe des clients et des consultants.
A travers cette présentation et cette investigation de ces « états », nous souhaitons à la fois, apporter un regard théorique et pragmatique en alimentant la réflexion, et en contribuant à enrichir les pratiques des différents acteurs, qu’il s’agisse des consultants débutants ou expérimentés, des managers qui recourent à ces services et des étudiants qui font le choix de s’engager dans ce métier. Ce dernier est en passe de devenir dans une perspective de professionnalisation, à la fois, certes plus exigeant, mais aussi particulièrement enrichissant, diversifié, comportant même, pour un certain nombre d’entre nous, une part de passion…
DES CONVICTIONS FORTES…
Elles peuvent se formaliser de manière ramassée à travers la formulation suivante : Rénover et professionnaliser les pratiques des consultants à travers un partenariat exigeant et réflexif avec les clients, le monde académique, en faisant le pari du développement du conseil personnalisé, différencié et identitaire.
Développer les pratiques de partenariat combinées avec les clients sous forme de co-production exigeantes et réflexives, ainsi qu’avec le monde académique.
Nous soulignons notamment dans cet ouvrage la nécessité, pour les acteurs impliqués dans le conseil en management d’entamer et de poursuivre un saut qualitatif bénéfique pour accroitre leur professionnalisation. Deux pistes prometteuses sont évoquées.
D’abord – dès lors que les conditions et le contexte s’avèrent possibles – le recours à la pratique de la co-production poussée, étendue et approfondie avec le client. Ce mode de coopération exigeant et réflexif, au carrefour combiné de savoirs et d’actions, débouche le plus souvent sur des apprentissages collectifs partagés, et contribue à générer des partenariats durables. Il va sans dire que cette forme de coopération alimente largement la qualité des interventions, et constitue un terrain propice aux innovations.
La seconde piste prometteuse se traduit, par l’introduction de plus en plus fréquente et nécessaire d’apports de nature académique, pour nourrir, alimenter et étayer les démarches stratégiques et opérationnelles proposées par les cabinets qui souhaitent ainsi se différencier sur le marché. Cette piste conduira à faire évoluer le profil et la posture de consultants qui devront se muter en professionnels avertis et attentifs, aux travaux académiques pertinents pour leurs missions, de manière à enrichir leur propre réflexion. Parallèlement, le développement de partenariats et de coopérations avec le monde académique, déjà perceptible dans un certain nombre de cabinets, va devenir progressivement indispensable.
Le pari du conseil « personnalisé », différencié et identitaire.
L’ouvrage décrit notamment deux « mondes » dominant, dans le champ, pourtant hétérogène, des services professionnels intellectuels, que l’on peut sommairement décrire de manière forcément réductrice dans ce cadre : le monde des grandes firmes de prestations de service, et celui des firmes souvent de taille plus réduites, au profil plus identitaire et personnalisé.
Le monde de la prestation de service.
D’un coté en effet, apparaît la face la plus visible numériquement, composée des grandes firmes de conseil souvent mondiales comportant des offres plus standardisées, basées sur « l’économie de la réutilisation ». Si leurs prestations ont assurément une utilité – la demande est bien au rendez-vous –, il importe de souligner qu’un certain nombre d’entre elles, sont portées et instrumentées par des cycles analogues à des modes et modèles, contribuant à structurer et à rationaliser l’organisation des entreprises. Certains de ces cabinets apparaissent comme des instances de production et de formalisation des idées et des concepts. On se situe dans la commercialisation et la mise en œuvre des services produits, assimilables à des quasi-solutions. Le risque qui guette l’abus de l’usage et du recyclage de ce type de prestations est de reléguer le conseil vers la « commoditisation », surtout lorsque les tarifs se durcissent. Mais, que l’on ne s’y méprenne pas : il ne faudrait surtout pas oublier de mettre à l’actif de ces grandes firmes, leur capacité unique à savoir mobiliser des équipes pluridisciplinaires, à temps plein, susceptibles d’accompagner des projets lourds.
Le monde du conseil personnalisé.
De l’autre coté, apparaît une forme organisationnelle plus identitaire et personnalisée, relevant de « l’économie de la singularité », s’appuyant sur la valeur (plutôt que sur le volume), à travers la pratique de conseil professionnel (impliquant une certaine distanciation vis-à-vis du client et un dispositif méthodologique robuste). Naturellement entre ces deux modèles types, il existe de multiples situations hybrides et intermédiaires, dont celle de « l’économie de la modularité».
Il semble, que l’on assiste à une discrète forme d’épuisement, certes relatif, de ces grands dispositifs bien illustratifs à certains égards de l’entreprise dite 1.0. La majorité des grandes entreprises étant d’ailleurs « équipées » de ces divers processus structurants (certains résultats au regard des lourds investissements consentis à leur égard, font d’ailleurs débat). Notre autre conviction est que la période est propice à la pratique du conseil identitaire et personnalisé. En effet, en ces temps difficiles, nous observons une évolution dans la nature de la demande de clients. Ils recherchent des analyses robustes, des échanges approfondis, des coopérations poussées générant de la co-création de valeur avec des consultants professionnels, sur un registre personnalisé et singulier.
De quoi s’agit-il ? Pratiquer le conseil identitaire, c’est d’abord, à notre sens, « penser le conseil », c'est-à-dire être capable de travailler de manière singulière et personnalisée avec une forte interaction coproductive le client. C’est aussi donner une place à la pensée réflexive, la certitude méthodologique ou technologique n’étant pas forcément toujours la plus rassurante, même équipée de robustes prothèses… Une autre musique et d’autres partitions en quelque sorte, plus proches de la jam session, que de l’orchestre symphonique. Les praticiens du conseil identitaire sont ainsi marqués du sceau de la séniorité générant de l’épaisseur, de la densité qualitative sur la majeure partie de l’intervention. Ils combinent le plus souvent des approches privilégiant le « sur mesure », le « travail à façon », et l’investigation en profondeur en mobilisant de manière combinée, de l’expertise et de l’innovation, au cœur de la création de valeur. Dans cette logique le prix, est donc associé au modèle de « l’économie de l’expertise », de « l’économie de la singularité » et non de celui de « l’économie de la réutilisation ». Il sera nécessairement élevé, et le client averti et exigeant (ils sont de plus en plus nombreux à l’être), acceptera par expérience, ce niveau, car il justifie le professionnalisme et l’expertise du consultant, la qualité de l’intervention et partant, la liberté de parole et de jugement du consultant professionnel… qui n’a justement pas de prix, en particulier pour le client averti.
POUR NE PAS CONCLURE…
Naturellement les prestations plus banalisées ont encore un bel avenir devant elle et conservent leur utilité. On peut surtout espérer que certaines d’entre elles, ne dérivent pas trop sur le marché des « commodities ». Toutefois, si ces deux modèles restent viables à ce jour (avec les nuances que nous avons introduites s’agissant du modèle « industriel »), ils sont probablement irréductibles. On ne peut imaginer en effet un développement du conseil en management combinant volume et position haut de gamme. Ce serait véritablement tenter l’impossible mariage de la carpe et du lapin…