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Jean-Pierre Bouchez - Le gouvernement par les processus peut-il durablement cohabiter avec le partage collaboratif et professionnel entre égaux ?

La cohabitation au sein de certaines grandes entreprises entre le mode de « gouvernance par les processus » et une nouvelle forme de « démocratie collaborative du savoir entre égaux » peutparaître, à certains égards, paradoxale. On peut ainsi se demander si nous nesommes pas à l’aube d’un rééquilibrage, entre ces deux formes différenciées de pratiques, voire d’un basculement plus prononcé, en faveur de cette dernière.

Le gouvernement par les processus.
Nous sommes témoins, comme tant d’observateurs du monde du travail d’une réalité paradoxale et pour le moins surprenante. Formulons là de manière simple et ramassée : dans un monde des affaires hyper compétitif, où la place de l’innovation est devenue une obligation cardinale et un impératif catégorique, l’organisation des entreprises ne cesse de se complexifier. Mais ce phénomène tend, ces dernières années à prendre le plus souvent tellement d’ampleur, qu’il en devient, et c’est bien là le cœur du problème, contre-productif. On voit ainsi se déployer progressivement depuis une bonne vingtaine d’année, une nouvelle forme de bureaucratie, que l’on peut qualifier précisément de « gouvernement par les processus ». Ce faisant, elle vient ainsi empiéter progressivement et sournoisement, sur les prérogatives attribuées aux managers de proximité, et se substituer de manière insidieuse, à ce que l’on a pu appeler, plus généralement, mais peut être un peu naïvement, le « gouvernement par les hommes ». Ce dernier est souvent réduit à sa portion congrue, tant le reporting sous toutes ses formes est devenu envahissant, bridant ainsi souvent les initiatives de la base.
De quoi s’agit-il en réalité ? La pression des actionnaires conduit les dirigeants à multiplier les dispositifs de contrôle visant in fine à leur rendre des comptes et à se justifier. Les reporting et les indicateurs de performances, constituent l’illustration la plus patente et contribue à fabriquer une culture de défiance. Le sociologue François Dupuy, notamment, en a parfaitement décrit les mécanismes dans son dernier ouvrage (Lost in management, Le Seuil, 2011), en soulignant, après une observation minutieuse sur le terrain, les effets pervers engendrés (retrait, démotivation, voire rébellion active ou passive des acteurs). Il souligne d’ailleurs, comme au temps de la bureaucratie, les pratiques de contournement possible, tant certains de ces dispositifs apparaissent comme contradictoires les uns par rapport aux autres, voire illisibles ou confus, laissant les acteurs (notamment les plus astucieux), décider eux même ce qu’ils doivent appliquer.

La notion de seuil, en termes de pression, subie ou ressentie, demeure ici en effet capitale. Lorsque le curseur dépasse une certaine limite, il génère et fabrique de la contre productivité et du rejet, bref, tout ce que les organisations doivent précisément combattre pour survivre, se développer, créer des solidarités professionnelles et surtout innover…

Vers le partage 2.0 entre égaux : une nouvelle démocratie collaborative du savoir.
Curieusement ces dernières années, à contre courant de cette gouvernance instrumentale, des pratiques plus participatives et collaboratives, se développent. Elles sont symbolisées et illustrées par le développement des outils collaboratifs de type Web 2.0 (blogs, wikis, réseau sociaux, communautés de pratiques, etc). Quelles que soient leurs modalités et leurs formes, elles contribuent singulièrement remettre en cause le modèle hiérarchique, du moins dans sa posture autoritaire et traditionnelle, encore assez vivace dans notre culture.
Mais, fait capital, ces dispositifs conduisent peu ou prou, à générer un bouleversement des mécanismes de fonctionnement organisationnel dans ses multiples dimensions : rapport à l’espace, au temps, à l’information, et donc à l’autorité et au contrôle. Ils s’apparentent à l’émergence d’un nouveau mode de coopération assez inédit, d’échange et de partage de savoirs et de pratiques entre égaux. De nouveaux espaces de discussion critiques et constructifs, souvent en dehors des lignes hiérarchiques et par delà les processus, faisant fit en quelque sorte, des territoires et des silos sont ainsi ouverts et dégagés. Certes, ils rendent certains dirigeants et DRH un peu perplexes et réticents. Mais force est de constater que nombre d’entre eux, notamment dans les grandes entreprises, ont compris tout le bénéfice collectif que leur organisation pouvait potentiellement tirer de ces pratiques collaboratives professionnelles d’échange et de partage. La raison en est simple : Nous sommes entrés pour de bon dans l’économie des connaissances. Le savoir dans ses différentes configurations (échange, partage, capitalisation, sauvegarde, création, etc.), a pris une importance considérable au sein des entreprises. Ce constat traduit la réalité de la pénétration grandissante du travail intellectuel au sein de l’organisation (notamment en amont et en aval) et son incorporation dans les produits et services, qu’ils soient d’ailleurs ordinaires ou sophistiqués, pour soutenir l’innovation.
De nombreuses grandes firmes, comme Schlumberger, Vallourec, Dassault System et bien d’autres, ont ainsi créé une nouvelle forme de « démocratie collaborative professionnelle du savoir » par exemple à travers leurs nombreuses communautés de pratiques professionnelles. Très impliquantes pour ceux qui y participent, elles sont particulièrement efficaces en termes de production de nouveaux savoirs, de révélation d’expertises nouvelles, de capitalisation et diffusion des nouvelles pratiques, etc. Il faut également souligner un mode de collaboration, souvent souhaité de part et d’autre, avec la ligne hiérarchique supérieure (notamment le « sponsor ») de nature plus partenariale, plus fluide et mature.
Le fonctionnement de ces communautés et de ces dispositifs collaboratifs se situe, on l’aura compris, sur bien des points à l’opposé du « gouvernement par les processus », même si dans la réalité, les échanges ne sont pas toujours idylliques…. Les dirigeants ouverts et convaincus parient ainsi sur l’intelligence collective, leur capacité créer et générer des relations de confiance et à promouvoir une culture de coopération. Ils contribuent ainsi à soutenir les démarches prometteuses et promouvoir les projets pertinents. Les acteurs de ces communautés, acceptent en retour, d’autant mieux que ces mêmes dirigeants observent leurs contributions à la performance de l’entreprise et le retour sur investissement, au regard notamment du temps consacré à leur fonctionnement.

On peut en effet légitiment s’interroger sur la possibilité d’une cohabitation durable entre ces deux modèles. Plus généralement, on peut se demander si l’on n’assiste pas à une forme d’épuisement, certes relative, des grands dispositifs instrumentalisant bien illustratifs de l’entreprise 1.0 (reengineering de process, progiciels de gestion, etc.), dont la rentabilité globale est loin d’être acquise, comme l’ont montré certaines études. L’une des issues prometteuse consiste à réintroduire des espaces de liberté et d’autonomie, en particulier au sein des grandes organisations. C’est bien l’un des leviers des communautés de pratiques. C’est aussi le cas de firmes qui créent ex nihilo, des structures de type adhocratique pour initialiser de nouveaux projets à caractère innovants. Dans cette perspective, les nouveaux termes de l’échange peuvent ainsi se formuler : donnez nous du temps, des ressources et de l’autonomie, nous saurons les faire fructifier. La limite est évidemment que tout le monde ne peut être concerné. Une variante en somme de la parabole évangélique des talents….