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Jean-Pierre Bouchez - Les connaissances comme bien, si précieux, aux propriétés si particulières…

Les connaissances sous leurs différentes formes sont (notamment les connaissances tacites, singulières, ésotériques ou expertes) comme on a souvent l’habitude de le répéter, au cœur de la croissance économique dans la mesure où elles sont souvent contributives d’innovations. Surtout, les connaissances, de part leur nature intangible, possèdent des propriétés très particulières, que des économistes, (au premier rang desquels Kenneth Arrow, prix Nobel d’économie en 1972), ont mis en exergue et qui échappent pour une très large part à la logique des biens matériels.

En premier lieu, la connaissance est un bien difficilement contrôlable. Cette caractéristique souligne qu’une firme a toujours plus de difficultés à contrôler ses connaissances (notamment tacites) que ses marchandises ou ses machines. Aussi, la référence à la terminologie « non excluable » illustre la difficulté à rendre ce bien « exclusif » et d’assurer son contrôle. Les risques et occasions de fuite, ou d’évaporations, sans contrepartie, sont potentiellement nombreux. Les économistes utilisent le terme « d’externalités positives » pour rendre compte de cet impact positif sur des tiers qui peuvent naturellement être des rivaux et des concurrents. C’est par exemple le cas de propagation au sein de réseaux informels, d’échange d’expérience, de coopération entre chercheurs où consultants appartenant à des entreprises différentes, etc.

En second lieu, la connaissance est un bien qualifié, toujours dans le langage ésotérique de nos chers économistes, de bien non rival et de bien non exclusif. L’expression de non rivalité, signifie que l’usage répété d’une connaissance, n’entraîne pas sa destruction (contrairement à l’assimilation d’aliments pour se nourrir), ni même son usure.

La connaissance est en quelque sorte inépuisable. Alors que s’il s’agit d’un bien « rival » (la chemise que je porte), il ne pourra être « porté » par une autre personne… On se situe donc dans le cadre d’un jeu à somme positive, ayant pour conséquence de multiplier potentiellement à l’infini ses détenteurs (s’agissant notamment plus spécifiquement des connaissances explicites relativement codifiables).

Complémentairement, on considère également la connaissance comme un bien non exclusif en ce qu’elle peut également être utilisée simultanément par plusieurs utilisateurs. Un bien étant a contrario dit exclusif, dès lors que son utilisateur peut s’assurer de l’usage pour lui seul et qu’il lui est par ailleurs possible de faire en sorte qu’il n’y ait pas d’autres utilisateurs de ce bien.

On doit prolonger ces propriétés en ajoutant que la connaissance est un bien cumulatif. Ce terme vise à rendre compte que la connaissance constitue le moteur et le levier principal de la fabrication de nouvelles connaissances, de nouvelles idées et de nouveaux concepts, spécifiquement mais pas seulement, dans le champ de la science et de la technologie. En d’autres termes, les connaissances déjà découvertes ou connues suscitent de nouvelles idées et connaissances ou, si l’on veut, la production de nouveaux savoirs repose sur des savoirs existants. Selon les termes attribués à Bernard de Chartres au XIIème siècle et repris ultérieurement par Newton, « nous sommes des nains montés sur des épaules de géants », puisque une simple amélioration à un résultat important est susceptible de générer des résultats encore plus conséquents.

Enfin, de ces propriétés particulières, résulte une conséquence elle-même atypique et particulière : le rendement croissant des connaissances, souligné notamment par le brillant économiste de Stanford, Paul Romer (prix Nobel d'économie, 2008). De manière raccourcie, alors que l’économie physique et matérielle est caractérisée par la loi des rendements décroissants (du fait de la rareté des matières premières), l’économie des idées et de la connaissance génère des rendements croissants, à l’image du logiciel dont le coût de développement (recherche, essai, mise au point) est élevé, alors que son coût de production est faible et baisse en moyenne à chaque unité produite. Dans un entretien au quotidien Le Monde du 10 juin 1997, il déclarait « le savoir et les idées ont toujours été essentiels à l’activité économique. Ce qui est nouveau, c’est que la proportion de l’économie qui est consacré à la production d’idées est en hausse constante. (…) Le savoir alimente le savoir, c'est-à-dire que plus nous apprenons, plus nous sommes capables de découvrir des idées nouvelles. Et contrairement aux ressources physiques, le nombre de choses à découvrir est illimité ».

On terminera ce billet dans le prolongement de ces propos en soulignant que la connaissance est théoriquement considérée comme un bien public (au même titre que le ciel, la terre, la mer ou l’éclairage urbain. L’attribution de ce signe distinctif est associée à la combinaison de deux caractéristiques évoquées : la non rivalité (l’usage de la connaissance n’entraine pas sa destruction) et la non exclusivité (elle peut être utilisée simultanément par plusieurs personnes). Cette conception fait, en pratique, l’objet de nombreux débats. Elle renvoie à une question de fond sur laquelle nous reviendrons dans un prochain billet : à qui appartient la connaissance ?