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Jean-Pierre Bouchez - Mais qu’allons devenir ? Plus d’usines, plus de chefs, Powerpoint qui nous rend fou, Internet qui nous rend bête…

Qu’allons en effet devenir, nous les « penseurs », les consultants, les managers, sans usines, ni chefs, avec en plus des « technologies de l’intellect » qui nous rendent fou ou bêtes etc. ?

LES FIRMES « SANS USINES »…
La fin prochaine des usines de production (s’agissant alors d’Alcatel) dans les pays du Nord, intensifs en connaissances, avaient été annoncée médiatiquement il y a plus de dix ans déjà (mai 2001), par Serge Tchuruk en marge d’une conférence organisée par le Wall Street Journal. Sa déclaration avait alors fait l’effet d’une mini-bombe dans le landerneau médiatique. En réalité, et pour faire (très) court, ce mouvement reflète et illustre le phénomène de la localisation et la polarisation des activités de recherche et d’innovation des firmes multinationales dans les grandes agglomérations urbaines, en délocalisant, leur production dans des pays du sud, à faible cout, de main d’œuvre

Plus de dix années ont passé depuis, et le concept en cours de réalisation est en voie d’être en partie dépassé…. car, la matière grise de ces firmes multinationales La matière grise se délocalise et se redéploye partiellement également dans le cadre de la mondialisation de la recherche. C’est notamment le cas récent de PSA, après Sanofi-Avantis, STMicroélectronics, Rhodia, etc., qui créent ou développent de nouveaux centres de recherche vers d’autres agglomérations d’Asie ou en d’Amérique du sud, en utilisant des chercheurs locaux. La nouvelle classe moyenne de ces pays s’équipe en intégrant ses propres besoins dont les industriels doivent tenir compte (sans compter naturellement l’attrait pour les firmes, des subventions locales). Cette explication fait probablement sens. En réalité, au-delà de ce « déplacement », c’est bien toute l’organisation de la recherche qui est remodelé. L’exemple récent de PSA en est bien illustratif, à travers l’accroissement de ses coopérations avec d’autres constructeurs à l’échelle mondiale, pour réduire ses frais de développement et augmenter significativement sa collaboration avec ses équipementiers. Toutefois dans ces deux derniers exemples, la centration sur les couts est probablement justifiée, mais reste à l’échelon de la nation globalement insuffisante. Notre pays investit insuffisamment dans la recherche. Selon les données de l’OCDE, la France n’y consacre que 39 milliards d’euros à la recherche, contre 61 milliards pour l’Allemagne et 110 milliards pour le Japon…

Les firmes sans chefs…..
Dans un article intitulé : « >First let’s fire >all the managers >! (D’abord, virez tous les chefs !), publié dans la >Harvard Business Review de décembre 2011, le célèbre gourou Gary Hamel, décrit ainsi le cas de la société californienne >Morning Star, leader américain de la sauce tomate. Il faut immédiatement souligner que cette firme, qui emploie 400 personnes pour un chiffre d’affaires de 700 million de dollars, réalise une croissance à deux chiffres de ses ventes et de ces profits sur ces vingt dernières années….
Mais surtout, au sein de cette firme, rien ne sépare Chris Rufer son président fondateur de ses salariés de base. Il n’y a pas de chefs, donc personne ne donne, ni ne reçoit des ordres ! Il existe simplement des contrats négociés tous les ans par chaque employé avec le groupe de collègues (entre 10 et 30 personnes), concernés par son travail. L’ensemble du fonctionne-ment est formalisé dans des règles précisant les activités et les performances à réaliser. Dans ce cadre c’est en réalité l’auto-discipline et l’auto-responsabilité professionnelle qui fait fonctionner l’organisation. Par exemple, tout employé peut procéder à l’achat de matériel, sans limite, mais doit justifier le retour sur investissement auprès de ses pairs. Ce dispositif collégial s’applique ainsi à la plupart des actes de gestion : recrutement, discipline, revue des performances. Les conflits toujours possibles font l’objet d’un arbitrage, avec le cas échant la constitution d’in jury. Naturellement la transparence de l’information (notamment financière) est ouverte et accessible à tous les employés.
Que penser de cette innovation managériale ? (car c’est bien de cela qu’il s’agit). Des gains financiers directs sont d’abord obtenus par l’absence de structure hiérarchique (les petits et les grands chefs), soit environ un tiers de la masse salariale. On peut y ajouter, dans le désordre les critiques managériales habituelles et récurrentes : jeux de pouvoirs, freins à l’innovation, éloignement des réalités concrètes, etc. Naturellement tout n’est pas aussi idyllique dans le quotidien. Ainsi l’absence de promotions verticales favorise l’émergence de hiérarchies officieuses, de réputation ou d’influence.
Au delà de cet exemple encore atypique et spécifique, une chose est sure. Elle souligne que la hiérarchie traditionnelle, embourbée dans le « gouvernement par les processus » et le reporting tout azimut, n’est plus en situation d’exercer pleinement son métier de manager. Il faut donc inventer de nouvelles formes de pilotage managérial. L’usage du « partage collaboratif et professionnel entre égaux », via les réseaux sociaux professionnels et les communautés de pratique en constitue une, particulièrement prometteuse (voir notre avant dernier billet). Mais il faudra probablement, à travers le cas innovant de >Morning Star, reconsidérer le rôle de la hiérarchie dans le pilotage d’une organisation. Le modèle du « gouvernement électif par les pairs », pratiquées depuis de nombreuses années avec succès dans certaines firmes de services intellectuels (c’est bien sur le cas de McKinsey et du BCG, mais c’est loin d’être des exceptions), mériterait certainement des investigations et des expérimentations approfondies mêlant chercheurs et praticiens. Nous aurons l’occasion de revenir sur ce sujet dans le cadre d’un autre billet.

L’Internet qui nous rend bête…
Nicolas Carr, célèbre bloggeur américain, membre du comité éditorial de l’Encyclopédie Britannica, et contributeur pour le New York Time et le Wall Street Journal, et vient de publier un ouvrage de qualité et bien documenté (The Shallows, Norton & Compagny Inc, 2011. Traduction française : Internet rend-il bête ?, Robert Laffont, 2011) qui suscite des questionnements.
Après un très intéressant survol historique sur les « technologies de l’intellect » (terme emprunté au grand anthropologue Jack Goody), il reste pour le moins septique assez septique sur l’usage et les effets de l’Internet dans son propre travail intellectuel. Pour faire court, en ramassant forcément un peu abusivement sa pensée, (étayé également par la référence à des travaux scientifiques), il éprouve le sentiment qu’il érode sa capacité de concentration et de réflexion. Son esprit souligne-t-il, attend désormais les informations de la façon dont Internet les distribue : comme un flux de particules s’écoulant rapidement. Auparavant, il se considérait comme un plongeur dans une mer de mots. Désormais, il fend la surface comme un pilote de jet ski… Tout est dit où presque dans ce court passage. D’ailleurs, il observe que nombre de ses amis et de ses connaissances lui avoue vivre des phénomènes analogues. Un peu comme une navigation déstructurée.
Nous réagirons pour notre part à chaud, sur un terrain proche, le long d’une échelle de temps de plusieurs millénaires, pour souligner les successions d’innovations des « outils de la pensée », ou « technologies de l’intellect » pour structurer notre manière de penser, d’agir le plus souvent au carrefour du savoir et des affaires. Des premières tablettes d’argiles en Mésopotamie il y a 4 ou 5 millénaires (étrangement reprises er « réactualisées » du moins dans leur formes rectangulaires, aux fameux milliers de rouleaux rassemblés du monde entier au sein de la bibliothèque d’Alexandrie. Les savants établissant des sortes de liens avant l’heure, tel des hypertextes, pour enrichir ou critiquer tel passage. La révolution du codex, ancêtre du livre vers le III° siècle de notre ère, constitue une innovation capitale, toujours en cours…. L’apparition de l’écran via l’Internet, où le texte défile curieusement dans le sens inverse (verticalement) que celui des rouleaux. Bien sur il faut y insérer des innovations qui ont considérablement permis de rationaliser et de diffuser la pensée et le savoir comme l’alphabet et l’imprimerie.
On retrouve finalement dans ce survol sommaire un phénomène de concentration du savoir comme le suggérait déjà à sa manière le philosophe Michel Serre : concentration successive de quelques caractères nécessaire pour construire un mot, de la concentration de phrases pour fabriquer un livre, de l’accumulation de livres pour donner naissance aux bibliothèques autour desquelles il y a le campus (concentration d’étudiants). On peut y ajouter le phénomène des « effets d’agglomérations urbaines » et de polarisation du savoir concentrées dans ces espaces mondiaux, attirant nous dit-on, les activités intensives en connaissances. Et que dire d’l’Internet dans tout cela ? Simplifions à nouveau à l’extrême : le pire, à travers des activités de copie et de reproduction, qui nous abêtissent effectivement…. Le meilleur, en dépit des remarques pertinentes de Nicolas Carr. Deux courtes illustrations : La discipline, la concentration et la rigueur méthodologique du chercheur et du penseur, offre une ressource inestimable et inépuisable. L’usage des outils collaboratifs dans les organisations et notamment des communautés de pratiques professionnelles constituent dès lors qu’ils sont bien positionnés et managés, des bénéfices conséquents dans le champ de la production et le partage des connaissances, de l’innovation, etc. A tel point que nombre de grandes firmes françaises les ont totalement intégrées dans leur stratégie et leur mode de fonctionnement. Elles ont simplement compris que nous sommes entrés pour e bon dans l’économie du savoir.

Qu’allons devenir ?

Reprenons notre souffle : Après tous ces énormes chocs émotionnels, qu’allons devenir ? Que vais-je devenir ? Je cours de ce pas me réfugier dans un Presbytère à la campagne, pour tenter de me refaire une santé, en tentant de repenser et de remodeler le monde… Let’s talk about…