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Jean-Pierre Bouchez - Pour en finir avec la ratio-cratie

La Ratio-cratie,néologisme issu de la contraction de deux notions derationalisation et bureaucratisation, dont elle en constitue ainsi les deuxversants combinés, a émergé au premier quart du XXème siècle au sein desgrandes organisations. La première, est appa-rue, au moins au départ,avec lafigure des « cols bleus » dont l’un des principaux inspirateur futFrédéric Taylor. La seconde vit le jour via l’émergence des grandesbureaucraties managériales et leurs « cols blancs », en référence àcertains travaux de Max Weber.

Elles trouveront, comme nous le conclurons, dans la période contem-poraine, une forme d’aboutissement en termes d’instrumentation de gestion dont les dérives contreproductives se situeront à l’opposé des pratiques de responsabilisation.

LA CULTURE DE LA RATIONALISATION.

On rappellera de manière ramassée, que la démarche de Taylor repose principalement sur la réappropriation « scientifique » de l’autonomie ouvrière fondée le plus souvent sur des savoirs empiriques et tacites, et partant, une division du travail entre ceux qui pensent et ceux qui exécutent. Bien qu’introduit en France à partir de 1906, ce n’est que dans les années 1920 que le terme plus générique de rationalisation s’imposera, à l’organisation scientifique du travail, intégrant la production de masse et le travail à la chaine. Les fameuses décennies glorieuses de l’après-guerre sont largement expliquées par une croissance intensive, singulièrement entre 1959 et 1964, associée tendanciel-lement au processus de déqualification ouvrière.

LE MODÈLE DES GRANDES BUREAUCRATIES MANAGÉRIALES.

Il trouve son origine dans la foulée de la crise des années 1930 lorsque le pouvoir de la bourse a été fortement délégi-timé et que les « dirigeants » et les « managers » ont récupéré la direction effective de grandes firmes le plus souvent dévolues antéri-eurement aux « propriétaires ». Ce basculement a été théorisé par plusieurs auteurs américains, tels que Adolf Berle et Gardiner Meansau début des années 1930 et James Burnham au début de la décennie suivante. L’économiste James Galbraith s’inscrira dans cette lignée à travers la mobilisation du concept de « techno-structure » dans son célèbre ouvrage publié en 1967, intitulé The New Industrial State, ainsi que l‘historien non moins célèbre, Alfred Chandler à travers l’émergence de la « main invisible » (titre de son ouvrage de 1977) des managers aux Etats-Unis, cela dès la fin même du XIXème siècle.

Cette bureaucratie managériale et professionnelle se déploiera singulièrement au cours des trente glorieuses, dans les grandes firmes institutionnelles de la plupart des pays industrialisés, et perdurera large-ment au-delà en dépit des tentatives de modernisation.
De son œuvre monumentale, rappelons que Weber (notamment dans la traduction française d’Economie et société, tome premier, Plon 1971), considérait, dans le cadre de sa célèbre typologie distinctive des modèles d’autorité, que celui qu’il qualifiait comme rationnel-bureaucratique, était le mieux adapté et le plus efficace pour la société moderne dans toutes les formes d’organisations (à l’opposé de l’arbitraire). Dans ce modèle à prétention universelle, l’autorité abstraite et impersonnelle, découle ainsi de la légalité des ordres et de la légitimité de ceux qui les donnent. Le poids des règles et des procédures en constituent les traits principaux.

VERS L’ESSOUFFLEMENT D’UN CYCLE MANAGÉRIAL DOMINANT.

Depuis les années 1980 et plus encore ensuite, le retour des nouveaux propriétaire sous forme de capitalisme actionnarial, les exigences très poussées en termes de ROI, sur fond de mondialisation de l’économie, ont fortement contribué à la profusion et aux dérives de dispositifs d’instrumentation de gestion. Dès 1983, Michel Berry en avait saisi les subtilités dans une contribution référente au titre significatif : Une technologie invisible ? L’impact des instruments de gestion sur l’évolution des systèmes humains. Nombre de sociologues notamment depuis le mitant des années 2000 en avaient décrits minutieusement les caractéristiques (Vincent de Gaulejac, François Dupuy, Marie Anne Dujarier et bien d’autres). Ainsi la Ratio-cratie, produit combiné de la culture de la rationalisation du travail et de la bureaucratisation qui s’est singulièrement amplifiée et complexifiée durant cette dernière période au sein de nombre de grandes organisations, nous conduit à considérer que l’on tend à assister à une forme d’essoufflement d’un cycle managérial dominant.

DEUX COURANTS MANAGÉRIAUX PROMETTEURS.

Cela nous incite donc à être à particulièrement attentif à deux courants managériaux. Le premier concerne cette forme d’impensé que constitue l’organisation qualifiée de « libérée » (ou plus simplement pratiquant réellement la responsabilisation). En dépit d’une médiatisation excessive, parfois abusive et de critiques recevables, on notera avec satisfaction que depuis le milieu des années 2000, les chercheurs français sont de plus en plus nombreux à investiguer de manière étayée ces nouvelles configurations, (en particulier celles œuvrant plus dans la discrétion), avec le plus souvent une perspective prometteuse en dépit de certaines limites. Nous paraphraserons le second courant, sous forme de clin d’œil à Henry Chesbrough, apôtre de l’open innovation, en complétant ses célèbres processus d’Outside-In et d’Inside-Out, par celui d’Inside-In.

En effet, les dirigeants éclairés de grandes entreprises ont ainsi saisi l’intérêt qu’elles avaient à développer en leur sein de nouveaux espaces collaboratifs inspirants propices à l’innova-tion. Cela à travers le mise en place de corporate coworking (à l’image de la Villa Bonne Nouvelle d’Orange). Mais surtout via des Fablabs intégrés, permettant notamment de s’extraire du carcan de la grande organisation pour innover plus aisément en incubant par exemple des projets interne pour faciliter leur émergence et/ou en effectuant des prototypages rapides afin de matérialiser des idées. Plus largement l’encouragement et l’incitation à des démarches entrepreneuriales ou intrapreneuriales (plus poussées donc) favorisées dans ces grands groupes par leurs dirigeants s’inscrivent dans cette perspec-tive. Une alternative à la Ratio-cratie est ainsi en cours d’amorçage singulièrement depuis une dizaine d’années.

Il importe, comme cela semble être de plus en plus le cas, aux observateurs et acteurs attentifs, qu’ils soient chercheurs, praticiens ou dirigeants, d’investiguer et d’analyser rigoureusement ces démarches prometteuses, de les faire partager, les diffuser et les propager dès lors qu’elles ont fait preuve de leur robustesse, en particulier en termes d’innovation, en vue de faciliter leurs expérimentations notam-ment auprès de dirigeants éclairés