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Jean-Pierre Bouchez - Société spectacle et populisme

La surenchère dans la course à l’audience entre les médias traditionnels, et singulière-ment les chaines d’informations en continu et les réseaux sociaux ne rend pas service à la démocratie. Au lieu de proposer à l’opinion publique sur ces chaînes d’informations des échanges étayés et apaisés propice à développer l’esprit critique, les débats de société tournent aujourd’hui trop souvent au pugilat verbal, comme si c’était le seul moyen de conserver de l’audience face aux dérives d’expression dans les réseaux sociaux. 

Elles s’inspirent des codes de communication sur Internet, avec l’organisation de débats spectacles où il s’agit de provoquer l’émoi du téléspectateur à travers la confrontation de visions souvent extrêmes et insuffisamment nuancés de l’actualité. Au fur et à mesure, certaines émissions des chaînes de TV en continu (ainsi que certains médias traditionnels d’investigation) abordent les questions d’actualité à travers le prisme des jugements de valeur.

L'AFFAIBLISSEMENT DE LA DÉMOCRATIE.

Ces confrontations sauvages deviennent parfois totalement inaudibles, et donc contreproductives, chacun souhaitant surenchérir sur les propos des autres, sans prendre le temps de l’écoute. Dans cette arène théâtrale, chacun adopte une posture d’image l’emportant trop souvent sur le fond, pour renforcer la notoriété médiatique, contribuant à affaiblir toute pensée réflexive et le développement de l’esprit critique. En particulier, l’usage de ces codes propres réseaux sociaux concernant la fréquence et la volatilité des actualités, pour accroitre à tout prix l’audience, alimente comme dans un cercle vicieux le pugilat médiatique, au détriment du débat contradictoire apaisé.

Enfin, des tribunes récentes offertes à certains extrémistes médiatiques, prônant des « théories » complotistes, absurdes, extrémistes et dangereuses (tel le « grand remplace-ment »), contribuent à alimenter une recherche d’audience complaisante en jouant sur tous les registres émotionnels comme la peur, la jalousie, l’hypocrisie… Même si certains intervenants éclairés échappent à cette dérive, en réhaussant le débat public, et en développant des arguments robustes et étayés, on peut légitimement craindre que l’opinion publique adopte des positions de plus en plus extrêmes et irréconciliables sur les sujets de société, à travers des débats décousus par la violence verbale.

Tout ceci contribue à affaiblir davantage la démocratie française, déjà fortement perturbée par 1/3 d’électeurs abstentionnistes et 1/3 d’électeurs favorables aux partis anti-système. A travers la course à l’audience pour la publicité opposant les médias traditionnels aux réseaux sociaux engagés, le citoyen retient alors les idées populaires qui lui ressemblent, et tend pour certains à se réfugier dans une micro-société consituée de personnes semblables à idées et aux valeurs partagées. Ces micro-sociétés contribuent à fracturer la société en profondeur, en dressant des barrières d’intolérance entre des groupements de citoyens de plus en plus repliés sur eux-mêmes animés par des pensées négatives : les déclinologues, les complotistes, les anarchistes, etc. Ces micro-sociétés qui fleurissent à l’ombre des réseaux sociaux, sont les porte-drapeaux des contre-vérités propagés sur internet, à l’image des rumeurs véhiculées durant le brexit en Angleterre : « la Turquie entre de manière imminente en Europe faisant courir un risque migratoire ; l’Europe spolie les anglais des ressources destinées au système de santé. …». Dans ces conditions, plus le citoyen devient « populiste », considérant paradoxalement que l’information est manipulée par certains médias en faveur du système, plus il trouve un prétexte pour se réfugier dans l’entre soi des réseaux sociaux propageant les fake news.

SORTIR DE LA SOCIÉTÉ SPECTACLE.

Pour à contourner cette impasse et éviter que la démocratie ne sombre totalement dans des représentations sociales caricaturales, il serait utile de retrouver le filtre de la presse télévisée à l’image d’une certaine presse écrite. En faisant plus fréquemment appel à des experts qualifiés pour éclairer l’opinion public de manière neutre et bienveillante, ainsi que des chercheurs. Ces derniers étant, sauf exceptions, singulièrement absents des « plateaux ». L’information est un bien d’intérêt général qui ne peut pas être uniquement soumis aux règles de la concurrence commerciale entre médias, ni aux déformations subies par le prisme des réseaux sociaux.

De manière à sortir de la « société spectacle » qui alimente le populisme, on peut reprendre les principales idées de Noam Chomsky sur la manipulation de l’information dans son ouvrage « divertir pour dominer ». Il faut éviter de détourner l’opinion publique des vrais enjeux de société par une stratégie de diversion où l’image remplace l’écrit, en maintenant un pluralisme médiatique sous toutes ces formes d’expression pour mener des débats de long terme sur des sujets de complexe. Il faut éviter de s’adresser au public comme s’il était insuffisamment mature, en ne cherchant pas nécessairement à capter de l’audience de masse, mais en acceptant de développer des débats étayés qui ne sont pas financés uniquement par la publicité. Sur les sujets de société, il faut éviter d’utiliser systématiquement le registre émotionnel pour informer le public. Cela nécessite sans doute d’élever l’esprit critique des spectateurs par une formation à la communication de masse et aux médias. Il ne faut pas non plus maintenir le public dans l’ignorance, la bêtise ou la médiocrité, sous prétexte que ce serait la seule manière de conserver de l’attention à l’ère des réseaux sociaux ! Il convient au contraire de faire preuve de pédagogie sans démagogie, en communiquant par des supports modernes et interactifs, sans renoncer à l’explication de texte avec des débats argumentés.