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Jean-Pierre Bouchez - Vers un nouveau business model hypercapitaliste fondé sur « l'économie collaborative » marchande

La « grande transformation » progressive du capitalisme managérial à l’orée des années 1980 à travers son basculement vers un capitalisme financier serait en passe, d’amorcer une nouvelle étape à travers une forme de « marchandisation collaborative » que nous présentons dans l’encadré qui suit, et parfois qualifié de « capitalisme de plateformes » par certains médias dans la foulée de du journaliste bloggeur allemand Sascha Lobo (Spiegel on line, 3 septembre 2014).

Vers une économie collaborative marchande, hypercapitaliste et dérégulée ?
Après avoir précisé ce que recouvre le terme d’économie collaborative, nous présenterons ses deux principaux visages – marchand (que nous développerons plus largement dans ce cadre), ou désintéressé –, avant de conclure sur les enjeux qui lui sont attachés, dans son visage marchand.

DE QUOI PARLE-T-ON ?

L’économie dite collaborative repose sur le partage ou l’échange entre particuliers, de biens, de services et de savoirs. En ce sens, elle est pratiquement aussi ancienne que l’histoire de l’humanité. Elle retrouve dans sa version contemporaine, une véritable renaissance à l’aube de ce nouveau millénaire. Son déploiement est singulièrement conséquent depuis l’arrivée des smart-phones en 2008, à travers l’utilisation des plateformes numériques d’intermédiation et de mise en relation fondées sur l’accès à l’usage plutôt qu’au produit. Les biens partagés ou échangés portent ainsi sur des voitures, des logements, des parkings, etc. ; les services concernent le covoiturage, le bricolage, etc. ; les savoirs et les pratiques circulent notamment dans le cadre de communautés (professionnelles, d’intérêts partagés diversifiés), fondées notamment sur le volontariat.

Cette économie recouvre donc une large palette d’activités visant globalement à créer de la valeur, économique ou sociale, en commun, sur la base d’une coopération organisationnelle de nature horizontale, de type « pairs à pairs ». 

UNE ECONOMIE A DEUX VISAGES : MARCHAND OU DESINTERESSE

Cette notion recouvre donc deux visages, selon qu’elle se positionne ou non, dans le champ de la business ou du non lucratif. En toute rigueur selon nous, seul ce dernier champ – le non marchand – justifie l’appellation d’économie collaborative et de partage, en ce qu’il demeure réellement solidaire et équitable. A titre d’illustration les modèles prototypes marchands, édifiés sur la base plateformes d’intermédiation, étant Uber (qui ne possède pas de taxis), – générant et généralisant le néologisme d’ubérisation (due à Maurice Lévy dans un entretien au  Financial Time du 14 décembre 2014)et Airbnb (qui ne possède pas d’hôtels). Le modèle opposé non marchand étant associé à la figure de Wikipédia, laquelle repose sur une plateforme de nature collaborative.

Ces deux premières entreprises phares, symbole de l’hyper capitalisme ultra libéral et compétitif, sont en passe de créer dans leur propre domaine, des quasi-monopoles de fait, tant ils bouleversent la concurrence au sein de leurs secteurs…. Elles sont naturellement loin d’être les seules à générer cette « disruption créatrice » pour reprendre l’expression de Teboul, et Picard (2015).

Plus généralement au-delà de ces secteurs économiques traditionnels, « l’ubérisation », se déploie dans de nombreux autres secteurs, y compris à caractère intellectuel. Ainsi, aux Etats-Unis, la plateforme Upwork revendique 2,5 millions de prestataires en free-lance, exerçant des professions intellectuelles (développeurs, graphistes, avocats…). Les médecins ou les professeurs sont également menacés à terme. Seuls les services à très haute valeur ajoutés semblent pouvoir encore y échapper.

On doit par ailleurs inclure dans l’économie collaborative, les fameux GAFA et notamment les grandes plateformes réticulaires mondiales, telles Facebook et Google, mais aussi Twitter, qui revendent aux entreprises, des données et des informations considérables (les fameuses big data) concernant leurs visiteurs, générant ainsi d’énormes profits (nous préciserons l’économie de ce dispositif dans le point suivant).

Il faut par ailleurs rappeler que ces différentes firmes numériques contournement allègrement leurs obligations sociales et fiscales, en contradiction patente avec la notion collaborative de partage…, tout en cultivant (à juste titre), les bienfaits du lien social...

Dans le domaine non marchand, (que nous ne faisons qu’effleurer dans ce cadre), de l’économie collaborative du partage, l’on retrouve des plateformes d’échange entre pairs, non monétisées, telles les communautés de pratiques (sur lesquelles nous reviendront largement dans cet ouvrage. 

LE MODELE DES MARCHES "BIFACES"

On a coutume d’attribuer à Tim Cook (PDG d’Apple), une formule devenue célèbre : « si vous ne payez rien en apparence, c’est parce que c’est vous (vos données personnelles), le produit ! », lequel entendait critiquer justement les profits pharamineux réalisés par Google et Facebook. En d’autres termes, si ces firmes ne font rien payer à leurs usagers, c’est parce qu’elles collectent grâce à leurs navigations, une multitude de données et d’informations, qu’elles revendent à des prix  exorbitants aux entreprises qui pourront ainsi en tirer des enseignements précieux pour cibler et personnaliser les besoins de leurs clients actuels et potentiels.

Les économistes, en particulier Jean Tirole, mobilisent le terme de « marchés bifaces », pour rendre compte de ce modèle économique. Ces marchés comportent une face gratuite pour les particuliers qui les utilisent et une face payante pour les entreprises qui achètent, en particulier à Google et à Facebook, les big data fournies par ces particuliers. Il faut naturellement y inclure les sommes payées par les annonceurs pour présenter leurs offres sur Google notamment. Telle est l’une des sources principales de la valeur de ces « grosses données » qui sont ainsi vendues aux entreprises et qui s’enrichissent en permanence grâce aux milliards d’objets connectés qui diffusent en continu sur le net.

LES NOUVEAUX ENJEUX ATTACHES A L'ECONOMIE COLLABORATIVE MARCHANDE

Cette « économie collaborative marchande », dans sa forme « ubérisée », bouleverse profondément le modèle socio-économique des organisations, notamment celles liées aux activités traditionnelles. Si ces nouvelles plateformes assimilables à des places de marché low cost doivent être incontestablement encouragées, il importe de les réguler, notamment en rééquilibrant les termes de l’échange entre les acteurs et les parties concernés. En effet, ce « capitalisme de plateforme » sera d’autant mieux socialement accepté que le partage de la valeur créé sera pleinement équitable entre ces différentes parties prenantes.

La question de la recherche d’un statut hybride du « travailleur 2.0 » post-salarial, est à l’ordre du jour et des pistes prometteuses sont investiguées et proposées par des experts. Par exemple : la création d’un compte unique intégrant toutes les assurances sociales (chômage, formation, retraite…), d’un socle de droits communs, tant au niveau individuel que collectif (notamment la nécessité d’une forme de représentation sociale des travailleurs concernés), de droits attachés à la personne transférable d’une entreprise à une autre et d’un statut à l’autre, etc.

Le rôle des pouvoirs publics dans la régulation équitable de cette « nouvelle économie de la plateforme », est à cet égard décisif pour accompagner son dynamisme.