On doit à l’historien américain Franklin Mendels (Journal of Economic History, 1972) d’avoir forgé et popularisé le terme de « proto-industrie », dont la diffusion s’amorce véritablement en France dans les années 1760-1800 à l’aune de la première révolution industrielle. L’économie de ce système marchand repose sur deux dispositifs combinés.
Le thème de « l’entreprise libérée » s’est positionné depuis peu, au cœur des débats sur le renouvellement et la transformation des pratiques managériales. La raison de cet engouement et de cette médiatisation en France, qui s’assimile à une forme de mainstream, est en partie liée à un phénomène classique : la publication d’un best-sellerLiberté &Cie, par Isaac Getz et Brian Carney en 2012.
Il y a plus de trente ans, Philippe d’Iribarne publiait un ouvrage remarqué, dans lequel il soulignait l’influence des cultures nationales sur la gestion et le fonctionnement des organisations. La France serait ainsi caractérisée par la « logique de l’honneur » (titre de l’ouvrage). Dans cette perspective, « les rapports hiérarchiques mettent en relation des hommes marqués par leur état, leurs traditions, leurs droits et leurs devoirs ».
On peut considérer que l’écosystème de gestion du savoir dans les grandes organisations comporte deux grands versants qui ont vocation à se combiner harmonieusement. Le premier, est fondé sur la capitalisation et se réfère qui se réfère au Knowledge Management autour de la structuration de savoirs formels. Le second est plus orienté vers la socialisation et repose sur des échanges de savoirs plus informels et de pratiques, sur la base de réseaux sociaux et de communautés. On peut être tenté d’y associer deux formes de capitaux, appelés ainsi à se combiner, respectivement : le capital intellectuel ou cognitif et le capital social.
La « grande transformation » progressive du capitalisme managérial à l’orée des années 1980 à travers son basculement vers un capitalisme financier serait en passe, d’amorcer une nouvelle étape à travers une forme de « marchandisation collaborative » que nous présentons dans l’encadré qui suit, et parfois qualifié de « capitalisme de plateformes » par certains médias dans la foulée de du journaliste bloggeur allemand Sascha Lobo (Spiegel on line, 3 septembre 2014).
Tel Janus et ses deux faces, et singulièrement depuis une quinzaine d’années, les grandes firmes française sont soumises à une tension paradoxale entre, d’une part le management de type collaboratif à travers le déploiement des réseaux sociaux et des communautés professionnelles, amplifié par le support et l’usage des technologies numériques de type 2.0, et d’autre part le management strictement gestionnaire poursuivant la rationalisation du travail notamment dans sa forme intellectuelle.
La gestion du savoir fait l’objet d’une attention de plus en plus soutenue depuis une vingtaine d’années notamment dans les grandes organisations. La transfor-mation numérique en cours contribue naturellement à accélérer et étendre sa pratique et ses usages. Cette conviction est étayée par une série d’entretiens réalisés auprès d’interlocuteurs appropriés au sein d’une vingtaine de grands groupes français, dans le cadre d’un travail de recherche.
A défaut d'être encore pleinement entrée dans la réalité, l'entreprise numérique fait désormais partie du langage managérial courant. Elle s'est progressivement déployée à la suite de l'arrivée d'un marqueur technologique et symbolique, communément qualifié de web 2.0, au milieu des années 2000, à travers ses applications et usages interactifs.
Les pratiques managériales sont probablement aussi anciennes que l’humanité, comme en témoignent des réalisations ou des écrits qui ont ainsi parsemés cette longue histoire. Quel’on songe à l’érection des pyramides égyptiennes, plusieurs millénaires avantJ.-C., ou au célèbre Traité de Sun Tzu consacré à l’art de la guerre (400 av.J.-C.). Plus prés de nous, on sait que le travail à la chaine se pratiquait à l’Arsenal de Venise (donc bien avant sa découverte par Henry Ford). On peut toute fois considérer que l’entrée dans la modernité managériale se situe au début des années 1930, à travers l’apparition successive de deux cycles managériaux, alors qu’il semble bien que l’on assiste à l’émergence d’un troisième, qui vient ébranler certaines certitudes….
Le terme d’entreprise 2.0, incontestablement à la mode, fait de manière très raccourcie, référence à sa mise en réseau permettant de faciliter le travail collaboratif entre ses membres. Les applications concernent notamment le partage des savoirs et des pratiques, la résolution de problèmes, voire la gestion de projets. Mais dans la réalité on observe que les entreprises ont des rapports aux savoirs très différents, au regard des variables clés que sont leur culture, leur métier, leur technologie, leur style de management, etc.
Nous devons humblement avouer qu’en tant que chercheur en sciences de gestion, consultant et ancien praticien Vice Président Ressources Humaines de grands groupes, nous sommes pour le moins troublés par la manière dont se produit, se diffuse et s’applique le savoir managérial notamment dans cette dernière période.
Le management, même si ce terme relève d’un usage hexagonal récent (l’Académie Française l’adoptera en 1973), se pratique, au moins intuitivement et empiriquement depuis l’apparition des premiers humains… On rappellera pour mémoire, sous forme de survol, l’organisation managériale complexe de l’érection des pyramides, plusieurs millénaires avant J.-C. ; le célèbre Traité de Sun Tzu consacré à l’art de la guerre (400 av. J.-C.), qui développe des principes stratégiques et méthodologiques toujours transposables – au moins pour partie – à la vie des affaires.
Hommage à Bernard Maris, en ce dimanche 11 janvier, économiste généreux, respectueux, tolérant et pédagogue, qui donnait beaucoup de son temps à Charlie hebdo, et qui soulignait récemment (Le Monde du 17 octobre 2014) : "Nous allons vers une économie de partage, de la gratuité (...). La figure centrale de demain sera le chercheur qui lorsqu'il donne quelque chose à la communauté ne le perd pas. Le chercheur répond aux besoins fondamentaux de l'homme : la création, la curiosité, le changement, le progrès. Il est obligé de coopérer. La coopération canalise la violence. (...). L'au delà du capitalisme sera une économie solidaire et fraternelle".
On ne peut manquer d’être saisi, en tant qu’observateur, par les contrastes paradoxaux, que l’on rencontre dans un certain nombre de grandes entreprises, entre la fabrication instrumentée de la méfiance et l’amorce de gouvernances fondées sur la confiance coopérative et le partage, sur le fond d’une compétition mondiale exacerbée.
Effectuant une recherche sur le management et la gestion du savoir, des pratiques et de leur usage, dans les grandes entreprises françaises, j’ai eu le plaisir de rencontrer une vingtaine de directeurs du knowledge management, de programmes de communautés de pratique, de gestion des connaissances, où portant d’autres intitulés connexes. Quel ne fut pas ma surprise et mon bonheur de découvrir en effet des professionnel, partageux, passionnés et généreux !
Certains auteurs académiques ainsi que de nombreux praticiens, entretiennent une certaine confusion entre les termes de « réseaux sociaux » et de « communautés de pratiques », en particulier au sein des grandes entreprises, à l’intérieur desquelles ils se déploient. En réalité ces deux termes qui peuvent souvent se combiner bénéfiquement, ne se recouvrent pas. De manière à éclairer cette distinction, il nous faut préalablement convoquer le sociologue américain Mark Granovetter, qui distinguera dans une contribution fondatrice en 1973, dans l’American Journal of Sociology, significativement intitulée : « la force des liens faibles », précisément la nature et les caractéristiques des liens forts et faibles.
On en conviendra aisément, le terme de savoir, déjà en lui-même largement protéiforme et en partie flou, fait l’objet de confusion récurrente, avec celui de connaissance, y compris parmi certains chercheurs, qui emploient indifféremment les deux termes. La langue française en effet, comme les langues espagnoles et allemandes proposent l’usage de deux termes distinctifs : savoir et connaissance, alors que la langue anglaise ne mobilise qu’un seul terme, celui de knowledge.
Certes, la figure des « petits chefs », dans la lignée de ce que l’on nommait encore il y a quelques décennies le « commandement », forme d’autorité verticale, marquée du sceau de l’infaillibilité papale, n’a pas encore totalement disparu…
Depuis une période quasi centenaire, les modes et modèles managériaux se sont créés et succédés à travers les productions enchevêtrées et imbriquées de grandes familles de « mondes d’acteurs » qui trouvent intérêt au développement et à la diffusion de ce que l’on qualifié, à tord où à raison, d’innovations managériales.
Il est significatif de relever le déplacement qui s’opère dans l’usage et la mobilisation de concepts et pratiques de GRH dans le champ de la catégorisation et la classification des personnels. L’émergence et l’usage de la qualification des emplois ont été mis en place au moment de la fin du second conflit mondial (arrêtés Croizat-Parodi).
Ordre versus désordre. Cette combinaison paradoxale a fait l’objet de nombreux travaux. Rappelons simplement qu’il y a près de quarante ans, dans son œuvre majeure, Edgar Morin soulignait qu’il existe une liaison fondamentale entre ordre et désordre, une liaison « dialogique », définie comme une unité symbiotique de ces deux logiques qui à la fois « se nourrissent l’une de l’autre, se concurrencent, se parasitent mutuellement et se combattent à mort ».
Nous avions décrit dans un précédent billet, daté du 30 janvier 2013, le concept « monde de grandeur » appliqué aux organisations à travers, pour mémoire, trois formes otganisationnelles typiques : grandeur homogène, grandeur hétérogène et grandeur hybride.
Ce billet constitue le deuxième et dernier épisode de la dynamique de la création du savoir et du développement des innovations dans une perspective historique. Cette dynamique transversale (qui s’articule donc avec la dynamique longitudinale de l’épisode précédent), sera d’abord présentée du point de vue de ses différentes composantes, puis illustrée à travers quelques exemples typiques.
Deux dynamiques combinées sont à l’œuvre pour décrire et illustrer le processus de création, de diffusion et d’usage du savoir, ainsi que l’émergence et le développement d’innovations. Nous survolerons dans ce premier épisode qualifié de « dynamique longitudinale », l’enchainement des « technologies de l’intellect » qui se sont déployées depuis l’antiquité jusqu’à une période récente.